A l’initiative du groupe communiste, insoumis et citoyen du Département, la majorité du Conseil départemental a rendu un avis défavorable dans le cadre de l’enquête publique relative à la demande de l’entreprise PLACOPLATRE d’exploitation d’une carrière à ciel ouvert sur le site de Vaujours.
Ce projet, contre lequel je me mobilise depuis de nombreuses années, présente de sérieux risques environnementaux et sanitaires.
Notre contribution 👇
La société́ Placoplâtre, filiale de Saint Gobain, a déposé́ une demande d’autorisation environnementale et la levée des servitudes publiques, en vue d’exploiter une carrière de gypse à ciel ouvert, sous le site de l’ancien fort de Vaujours et dans la fosse d’Aiguisy, pour une durée de 30 ans.
Notre Département ne peut se dessaisir de ce sujet alors que notre budget vise l’accélération de la transition écologique territoriale : en 2023, une large part de notre investissement sera consacré aux mobilités durables, à la renaturation du territoire, à l’assainissement des eaux et à la construction d’équipements tournés vers la transition énergétique.
Si le Département est le chef de file des politiques sociales, il inscrit son action dans le cadre du changement climatique qui a déjà de graves répercussions sur l’environnement naturel ainsi que sur la santé et le bien-être des habitants·es.
C’est ce à quoi nous, élus·es du département, nous sommes engagés·ées auprès de la population.
Quel bilan carbone pour ce projet ?
Le choix opéré par Placoplâtre d’une carrière à ciel ouvert nécessitera le déplacement de plus de 52 millions tonnes de terres pour l’exploitation et la remise en «état initial» du site. L’extraction annuelle de 460 000 tonnes de gypse correspond à 1500 tonnes/jour, par des engins polluants (lors d’une grève en 2021 dans un autre site de proximité de Placoplatre, les salariés soulignaient la vétusté des engins de chantier/camions).
Une interrogation légitime à l’heure où les émissions de GES sont reconnues comme cause principale du réchauffement climatique. L‘Etat français, condamné pour inaction climatique, avait jusqu’au 31/12/2022 pour réaliser ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre : il serait donc incompréhensible qu’un tel chantier, au seul service des intérêts industriels de Saint-Gobain, soit plébiscité. D’autant que le BTP est le champion toutes catégories de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre. [1]
Les moyens dévolus à la recherche et au développement pour se tourner vers des alternatives telles le recyclage des plaques de plâtre pour réduire l’impact environnemental sont notoirement insuffisants.
Notre position : Avis défavorable au projet
Par raisons de sécurité environnementale et sanitaire ; impact sur les eaux, les sols, les sous-sols ; le milieu naturel ; le paysage ; les déplacements ; les nuisances liées à l’exploitation et les risques industriels nous conduisent à émettre un avis défavorable à l’exploitation d’une carrière à ciel ouvert sur le site du Fort de Vaujours par Placoplâtre.
Comme d’autres collectivités, villes et EPT, notamment le territoire Grand Paris Grand Est où une délibération exprimant un avis défavorable a été adoptée le 13/12/22, nous refusons que cette carrière favorise le réchauffement climatique, détruise le paysage, et anéantisse la biodiversité alors que tous les efforts déployés par notre action publique sont tournés vers la réduction de notre empreinte carbone et la transition écologique.
Notre motivation :
1 – Demande d’autorisation environnementale
La demande d’autorisation environnementale préalable contrevient à nos engagements :
1.1 Demande d’autorisation pour le rejet des eaux de ruissellement au titre de la loi sur l’eau
Dans son 2ème avis du 20/04/2022, le Sage CEVM [2] invite Placoplatre à se rapprocher de la Direction de l’Eau et de l’Assainissement du Département (DEA) « concernant le dimensionnement des dispositifs futurs de rétention lors de la phase de réaménagement du site ». La DEA indique «ne pas avoir connaissance d’une sollicitation quelconque concernant le dimensionnement des futurs dispositifs de rétention dans le cadre du réaménagement du site du Fort de Vaujours».
En outre, en amont du réaménagement, le décapage de la butte de l’Aulnoye pourrait perturber le cours des différents bassins versants. Comme le soulignait l’ADENCA [3] , de multiples inondations de type cinquantenale se sont déjà produites dans plusieurs communes en 2018 et 2021. Cet effet du réchauffement climatique conjugué à de potentielles pollutions des terres du site à l’uranium, aux métaux lourds, aux explosifs, ne serait pas sans conséquences sanitaires sur la qualité des eaux et la santé des populations du bassin de vie concerné.
1.2 – Autorisation de défrichement sur une superficie de 5, 65 ha
Indépendamment de l’impact sur la biodiversité et de la séquestration carbone qui ne sera plus assurée par ce volume de biomasse, l’étude menée par le bureau d’étude GINGER Deleo, mandaté par Placoplatre concernant la pollution des sols du «bois nord» concerné par ce défrichement n’est pas satisfaisante.
Selon la CRIIRAD, la méthodologie retenue pour expertiser la radioactivité éventuelle de ces terrains ne traite pas de la contamination éventuelle des sols par de l’uranium anthropique.
1.3 – Dérogation à l’interdiction de porter atteinte à des espèces protégées et à leur habitat.
Au moment où nous assistons à un effondrement de la biodiversité, décaper des prairies et défricher des bois est hors de propos. Placoplatre annonce une reconstitution du site à l’état « naturel » en 2052, occultant la spécificité actuelle des coteaux de l’Aulnoye ; cette projection est d’ailleurs jugée impossible selon le CNPN.
Pendant plus de 30 ans les populations seront privées d’un espace naturel essentiel à la résilience et à la régulation climatique dans l’Est de notre département.
En dépit de la nécessité de donner accès aux ressources considérées comme stratégiques, le SDRIF préconise d’éviter les conflits d’usage sur les coteaux de l’Aulnoye et ainsi de préserver les terrains naturels, classés pour la plupart en ZNIEFF.
2 – Levée des servitudes publiques sur le fort de Vaujours
L’arrêté inter-préfectoral de 2005 « afin de prévenir les risques de contamination résiduelle par des substances radioactives et pyrotechniques » reste d’actualité. Nos représentant.e élus à la Commission de Suivi de Site du Fort de Vaujours ont toujours exigé que le principe de précaution soit respecté, conformément à la position du Conseil départemental[4].
Or ce site est toujours classé Secret Défense, le CEA y ayant testé pendant 40 ans le détonateur des armes nucléaires à l’air libre, puis en casemates… Une tonne d’uranium aurait été utilisée[5], émettant des radioéléments à rayonnements courts et à durée de vie extrêmement longue, très dangereux en cas d’inhalation ou d’ingestion. En 1944, c’est un dépôt de munitions allemand qui explose en partie et nul ne sait si d’autres ne demeurent pas enfouies.
A l‘été 2018, lors de travaux de démolition des casemates, des munitions, des déchets radioactifs et tonnes d’amiante furent trouvés fortuitement, qualifiés « d’événements significatifs » par l’ASN en dépit des affirmations du CEA, considérant le site dépollué lors de la procédure d’abandon en 1997.
Ainsi, l’Etat, par la vente de ces terrains a délégué ses responsabilités régaliennes à une entreprise privée industrielle qui est à la fois juge et partie dans les travaux qu’elle a été amenée à conduire, alors que son unique intérêt reste commercial.
Plus, le choix d’exploitation à ciel ouvert, outre les nuisances effectives les populations environnantes, fait fi de risques potentiels de dispersion dans l’air et dans l’eau de pollutions chimiques et radiologiques.
3 – L’outil industriel
La nécessité de maintenir un outil industriel sur notre territoire est certaine, mais dans des conditions acceptables pour les salariés et pour les habitants·es.
Fin 2022, les salariés de Placoplâtre Vaujours étaient en grève, notamment pour ne pas subir une réduction de leur salaire, et connaître les détails du plan de départ anticipé pour les seniors.
Le maintien de l’emploi sur place n’est pas nécessairement lié à l’exploitation d’une nouvelle carrière ; notamment, la production de plâtre via du recyclage limite les risques de contamination et d’exposition cancérigène pour les salariés. Des financements existent pour mettre en œuvre cette logique d’économie circulaire.
Signatures :
Groupe « Communiste, insoumis et citoyen » : Dominique Dellac, Emilie Lecroq, Pierre Laporte, Bélaïde Bedreddine, Silvia Capanema, Pascale Labbé, Abdel Sadi, Azzedine Taïbi
Groupe « Solidaire et écologique » : Frédérique Molossi, Daniel Guiraud, Stéphane Troussel, Emmanuel Constant, Oriane Filhol, Karim Bouamrane, Michel Fourcade, Matthieu Monot, Magalie Thibault, Florence Laroche, Corentin Duprey, Zaïnaba Saïd-Anzum
Groupe « Pole écologiste » : Elodie Girardet, Nadia Azoug, Tessa Chaumillon, Frédérique Denis, Mélissa Youssouf

[1] 45 % de la consommation énergétique et 27 % des émissions de CO2 en France selon le Ministère de la transition écologique (chiffres 2018).
[2] SAGE Croult-Enghien-Vieille Mer
[3] Avis du 30 novembre 2022
[4] Voir vœu adopté en 2015 en séance du conseil départemental
[5] Selon Le Moniteur