
L’Assemblée nationale a voté en première lecture le projet de loi contre le « séparatisme », renommé pour faire bonne mesure « pour le renforcement des principes républicains ».
Les terribles attaques terroristes qu’a connues notre pays, souvent motivées par une idéologie djihadiste qui vise les piliers-mêmes de notre vie démocratique, appellent à une réponse forte de la société française toute entière. A cet égard, les dispositions visant à protéger les agent-es du service public sont nécessaires.
Mais au-delà de ce que le projet de loi contient, c’est ce qu’il laisse délibérément de côté qui interroge.
Un combat sérieux contre le séparatisme devrait commencer par un virage à 180° par rapport aux décennies de politiques de démantèlement de la République dans des territoires entiers, au premier rang desquels la Seine-Saint-Denis. Car peut-on réellement se séparer de quelqu’un qui vous a abandonné ?
Quand dans les quartiers populaires, les territoires ruraux et péri-urbains, les services publics ferment tour à tour, où est concrètement la République ? Bureaux de poste, gares, centres de la Sécu, des impôts, agences EDF…la liste des abandons est plus longue que les 51 articles du projet de loi.
En Seine-Saint-Denis, le rapport Cornut-Gentile a illustré une partie des graves carences qui nient l’égalité républicaine dans notre département. Les promesses trahies, ainsi qu’une présence de l’État qui se limite de plus en plus à la répression (et non pas à la sécurité, qui est un droit auquel nous avons trop peu accès !) et à des discours moralisateurs ou discriminatoires, alimentent le terreau sur lequel peuvent prospérer les réseaux criminels, mais aussi les acteurs les plus obscurantistes et rétrogrades, y compris violents.
Comme l’affirme Philippe Rio, maire de Grigny : « Le séparatisme territorial est un terreau antirépublicain. »
D’autant que, alors même que les attaques fleurissent contre nos banlieues (aujourd’hui Trappes, hier Sevran, Saint-Denis, Clichy ou Montfermeil), bien peu s’émeuvent, au gouvernement ou dans les grands médias, du séparatisme en actes des grandes fortunes, dont la fortune explose mais qui refusent de participer à la solidarité nationale. Une réalité une nouvelle fois mise en lumière par les LuxLeaks.
Ces angles morts délibérés, ainsi que l’accent quasiment exclusivement mis sur la religion musulmane, aboutissent à une loi qui ouvre à toutes les manipulations et ne résolvent pas les problèmes de fond dont souffre notre société.